TPV (train à petite vitesse) avec l'association A-R, co-création avec Frédéric Ollereau. Septembre 2006

Textes d'Hilario Alvarez (version espagnole et version française), de Camélia Encinas et d'Alexandre Neveu.

Train à Petite Vitesse (TPV) avec les artistes : Hilario Alvarez, Renaud Buénerd, Marika Bürhrmann, Sébastien Décluy, Sammy Engrammer, Rob list, Nicolas Simarik et Skall.

Textes, du critique Alexandre Neveu, de la journaliste Camélia Encinas et de l'artiste Hilario Alvarez.

Avec le soutien du Centre d'art de l'Yonne, METALVOICE, l'Abbaye de Corbigny et la philharmonie de Corbigny.

 

Voyage à très petite vitesse de Camélia Encinas

Paris, gare de Lyon, un vendredi. Cohue typique de veille de week-end. Brouhaha. Encombrement. J’ai du mal à slalomer entre les bagages à roulettes qui se suivent, s’entremêlent. Gens qui jouent des coudes, mâchoires serrées qui bataillent pour se faire une place. J’arrive essoufflée dans le compartiment suivi par mon compagnon et mes filles.
Tension palpable dans le compartiment. Je pose mes bagages dans un carré le temps de faire placer à la troupe qui suit. Il y a une personne d’assise. Je lui demande si elle accepte de s’asseoir dans le carré d’à côté. Fin de non-recevoir. Je demande alors aux personnes du carré voisin, elles sont trois, si elles acceptent de changer de place afin que nous puissions voyager en famille. Exercice de civilité toujours fragile. Ils se lèvent de mauvaise grâce. Le voyage s’annonce bien.
17h37. Le train démarre.
Nos bagages, poussettes et valises à jouets à peine rangés, un haut-parleur se met en route «Les passagers du TPV, sont attendus dans les wagons 19 et 20 , je répète, les passagers du TPV sont attendus dans les wagons 19 et 20 » Une vingtaine de personnes se lèvent comme mues par un ressort. Regards perplexes des passagers qui ne sont pas concernés. Complicité naissante des autres. Parmi eux, deux des personnes à qui j’ai demandé de se lever. Le regard qu’elles posent sur moi est, me semble-t-il différent.
« Maman, c’est quoi le TPV ? Pourquoi on ne prend pas le TGV comme d’habitude ? » demande ma fille aînée, presque inquiète. Le TPV, c’est un train à petite vitesse. Un projet imaginé par des amis plasticiens Frédéric Ollereau et Catie de Balmann. Un train pas comme les autres …
Nos amis font régulièrement la navette entre Saint-Didier, en Bourgogne, où habite et travaille Frédéric et le pied-à-terre parisien de Catie. Un arrangement qui leur permet de vivre à leur rythme tout en restant à l’écoute du tumulte du monde. Difficile en effet aujourd’hui de vivre dans la capitale sans revenus conséquents. Des revenus auxquels peu d’artistes peuvent prétendre. Impossible pourtant de zapper la capitale. Paris reste essentiel pour rencontrer les pairs, convaincre mécènes publics et privés que oui, ça vaut le coup, de parier sur leur travail.
C’est dans le train entre ces deux mondes, capitale stressée, brutale quelquefois et province assoupie que l’idée d’un train à petite vitesse germe. Histoire de ralentir, de prendre le temps, d’inverser les priorités.
En tant qu’artistes plasticiens, Catie de Balmann et Fred Ollereau travaillent sur l’espace. Comment celui-ci nous construit. Comment nous le construisons. « Nous nous sommes rendus compte que le train était aussi pour nous un espace de travail. C’est lors de nos voyages que nous réglons tout ce que nous ne pouvons pas régler lorsque nous sommes à Paris ou en Bourgogne. A Paris parce que nous courons tout le temps. En Bourgogne parce que la vie nous rattrape. » expliquent-ils.
Changement de train à Auxerre. Direction Corbigny. La performance peut commencer. Ils ont donné rendez-vous dans le train à sept artistes qui ont carte blanche . Ils ne se connaissent pas forcément entre eux, ils savent seulement qu’ils vont intervenir dans un train. « Ce sont des artistes que nous aimons et qu’on voie peu. Faire ce voyage avec eux semblait évident pour nous. «
« Ca vous ennuie si je pose ça sous vos têtes ? » demande le premier. Ca, c’est un appuie-tête sur lequel figure des figures connues des enfants : Mickey, Barbie, etc…  Basculement. Assoupis, absents, déjà ailleurs. Les passagers relèvent soudainement la tête et se laissent faire. Les yeux s’ouvrent. Il y a une minorité qui feint l’indifférence et retourne à son journal. La plupart jouent le jeu. Certains changent même de place. « Moi, je veux être Spiderman » crie l’un. « Moi je choisis Marylin » dit l’autre.
L’imaginaire prend le pouvoir. Même le conducteur du train sort de sa cabine pour demander lui aussi un appuie-tête. Il parle de la solitude du conducteur face à sa machine, de la responsabilité toujours présente. Moment d’humanité. Je me demande alors si j’ai déjà eu l’occasion de parler avec un conducteur de train. Je me creuse la tête. Non. Trente ans que je prends le train et c’est la première fois que je vois ces invisibles sans lesquels je ne pourrais voyager.
Ce voyage, c’est clair, ne sera pas comme les autres.
Premier arrêt, un passager court poinçonner son ticket et remonte in extremis, sous l’oeil médusé des passagers. Est-il devenu fou ? Normalement on poinçonne avant de monter. Il s’agit en fait d’un des artistes. Il a acheté autant de billets que la ligne compte d’arrêts. Sa mission : réussir à poinçonner chaque billet et de reprendre le train. Pied-de-nez à notre société qui nous fait courir sans but, qui nous épuise avant même de commencer à faire quoi que ce soit ?
Le train plutôt que le musée. Parce que l’art est partout. Qu’il ne se laisse pas enfermer. Parce que tout espace est bon à prendre. Que prendre le train est un voyage, un déplacement dans l’espace mais aussi dans le temps. Petite vitesse parce que lorsque le train va vite, les paysages défilent tellement rapidement que l’on ne voit plus rien. A contrario lorsqu’il va doucement la quantité de paysages enmagasinée est plus grande. Ou comment la vitesse agit sur l’espace. Ouvrons donc les yeux.
Dans le premier wagon, un homme entre dans une valise ouverte posée à la verticale. Comme une porte ouverte sur une autre dimension. Il restera immobile pendant les quatre-vingt dix minutes du voyage.
A côté, un homme en costume impeccablement mis se lève et entame une sorte de pantomime. D’abord lente, elle devient de plus en plus saccadée. Il titube. Se cogne aux fenêtres, tombe, se redresse, grimpe dans un porte-bagage où il fait mine de dormir. Sans réussir à trouver une assise. Autre métaphore tout aussi parlante.
Une passagère, totalement conquise, s’exclame « Il faudrait plus de voyages comme celui-ci ! » Fous rires, comme un air de fête. Le contrôleur apparaît. « Tout le monde à sa place. Il y a des sièges pour tout le monde » Prise au jeu, je lui demande si c’est un « vrai » contrôleur. Désarçonné, il répond oui puis non. Et rebrousse chemin sans demander son reste. Mais que se passe-t-il ? Suffit-il d’un peu de poésie pour semer la zizanie ?
Pour l’occasion, un professeur de Tonnerre a embarqué sa classe d’arts plastique. Les enfants ont douze-quatorze ans. Ils sautent comme des fous. Prennent avec autorité la caméra du vidéaste officiel pour capter leur image du moment. Encouragent l’artiste, qui tel un athlète se prépare pour composter à la prochaine station.
Insérer les noms des stations.
La nuit tombe. Dfificile de distinguer quoique ce soit sur les quais. Mais où peut donc bien se trouver la borne de compostage ? Sur le quai ? A l’intérieur de la gare ? Chacun y va de sa supposition. La porte s’ouvrira-t-elle à gauche ? A droite ? Arrivera-t-il à remonter dans le train. Une passagère lui donne son numéro de portable s’il reste à quai. Elle connaît quelqu’un qui pourra le dépanner, voire l’amener jusqu’à la prochaine station. Sollicitude étonnante : mouvement de solidarité ou manœuvre de séduction ?. Lorsqu’il remonte, à bout de souffle, tout le monde applaudit.
Dans le compartiment suivant, une jeune femme à l’oeil bleu pétillant vient s’asseoir à côté de ma fille. Elle déplie un papier et commence à chanter une berceuse d’une voie ténue Le brouhaha fait place à un silence étonnant.
Un homme, montres accrochées à son gilet comme autant de médailles inutiles, passe alors dans le compartiment. Il beugle « Qui veut un petit morceau de ma vie ? Donnez-moi quelques sous pour un morceau de ma vie ! » Le rapprochement entre l’artiste et le clochard est saisissant. Trop saisissant. Moment de gêne.
Dans le compartiment du fond, un homme en noir, se scotche des plumes géantes de faisan sur le visage. Nous sommes presque arrivés. Partis anonymes, presque hostiles, les passagers s’apostrophent radieux. L’air embaume la fin de l’été, la campagne. L’ailleurs est là.
Sur le quai de Corbigny, une fanfare nous attend. Tel le joueur de flûte d’Hamelin, l’homme à plumes s’ébroue. Il se fraie un chemin, suivi des passagers et autres artistes, comme enchantés. D’un coup de plume, ils font la nique à notre temps qui file. Captent quelque chose d’indicible, de chaud, fluide. Une femme mutine pique une plume au vol et entame avec l’homme oiseau une étrange danse. Le fond de l’air est doux pour une fin septembre. Peut-être est-ce toute cette chaleur humaine qui réchauffe l’atmosphère ? Très naturellement des couples s’enlacent. Bonheur. Dans cette petite gare oubliée, enfants, couples, personnes âgées semblent faire bloc. Ensemble. Est-ce que l’art finalement ça ne sert pas à ça tout simplement, à rapprocher les gens ?
Je repense alors à la litanie de l’artiste-clochard. Et si finalement c’était ça des artistes, des êtres humains qui donnent des morceaux de leur vie pour rendre celles des autres plus belles ? Chapeau bas les artistes !

« TPV (Très Petite Vitesse). Au fil du voyage. » – Alexandre Neveu 06/10/06

L’association A-R, Catie de Balmann et Frédéric Ollereau, nous ont proposé le 29 septembre un voyage d’exception et une expérience unique. Le temps d’un aller simple, le train est devenu lieu de monstration, d’exposition. Habituellement, trait d’union géographique, il est devenu pendant quelques heures, un lieu offert à la création artistique.

Le train est un corridor : un espace difficile et étroit dans lequel les corps peinent à se croiser.  L’environnement y fixe ses limites et ses contraintes, il nous pousse, nous manipule au rythme des accélérations et des ralentissements. Dans son ventre nous sommes sa chose ! Est-ce que l’un d’entre vous n’a jamais vécu cette expérience pendant laquelle le corps devient incontrôlable ? Cette sensation de manège. Loin d’être son propre maître, il a trouvé plus fort que lui dans la vitesse. C’est pourquoi dans un train la meilleure position est assise. Ainsi le corps fait bloc. Il s’immobilise. Rob List ignore superbement cette spécificité et prend le parti de lutter contre cette force invisible. L’artiste se mesure à l’espace, s’en empare, parvient à l’inaccessible. Il finit par chuter d’un porte-bagages dans lequel il s’était glissé. Le match est nul, mais l’acte de résistance (par son exploration) a dévoilé le domaine des possibles.

Soudain le contrôleur rappelle la règle : les voyageurs doivent regagner leur fauteuil. Alors, les corps s’ordonnent en ligne comme dans les salles de spectacle. Qui ne connaît pas ce sentiment troublant lorsque l’on pénètre un wagon bondé un jour de grand départ ? Les regards se lèvent vers vous au cours de votre traversée. Des figures qui dévisagent : une galerie de portraits, voilà ce que nous offre Renaud Buènerd. Des caricatures aux traits colorés se substituent aux visages incarnés. Les appuis-tête sont devenus des célébrités, Mario Bros., Spiderman, Barbie… Mickey et Marilyn sont là aussi. Tous figurants le temps d’un travelling.

Loin du voyage intérieur que nous connaissons lorsque nous sommes seuls à bord du train, celui-ci nous extériorise, nous conduit hors de nous. Il devient le moment d’un partage. C’est ainsi qu’Hilario Alvarez s’immisce dans ces instants. L’artiste s’avance au milieu du rassemblement et il s’y mêle. Il se met à nous parler de sa condition d’artiste et le prix de la création. Il veux nous vendre des montres. Cette scène mène notre inconscience à se remémorer les complaintes sociales auxquelles on assiste au quotidien dans le métro parisien ou d’ailleurs. Paroles opportunes auxquelles on apporte rarement une réponse. Plus tard l’artiste distribuera des messages imprimés sur des feuilles : « Tu as raison » (l’accord qui engage ou qui pousse à l’union) ; « Ne pas plier » (l’appel à la résistance).

La nuit enveloppe le train. Nous sommes devenus maintenant une ligne lumineuse dans le paysage. L’heure s’ouvre alors au mystère. Skall, artiste performer aux multiples facettes, incarne une figure de l’étrange, hybride, tête animal à corps d’homme. Nous assistons à sa métamorphose : une tête dorénavant sans visage d’où naissent de longues plumes fines et gracieuses. Une vision fantastique qui vit et s’agite silencieusement devant nous. Il faut penser aux oiseaux qui ont hanté toute la vie du peintre surréaliste Max Ernst. Des représentations imaginaires qui ressemblent tant à notre hallucination.

Le temps du transport est celui de l’attente mais aussi le temps du rêve ; il y a souvent le sommeil qui gagne, encouragé par le bercement régulier du roulis et la monotonie du fond sonore. Marika Bürhmann en joue. Dans l’intimité d’une relation voisine, elle chante doucement, pour ne pas éveiller ceux qui s’endorment, pour ne pas réveiller ceux qui dorment. Ses berceuses évoquent la vie, cet autre qui nous est cher et qui nous manque déjà, alors que nous venons à peine de le quitter.

Précédemment, nous évoquions les règles à bord. Il en existe une autre essentielle : le droit au transport. Dans un nouveau personnage, Nicolas Simarik scinde chaque arrêt du trajet d’un billet et, par conséquent, s’impose la validation de son voyage à chacune des étapes. Chaque arrivée marque un nouveau départ. Un geste simple devient dans ces conditions une contrainte. Il singe le passager retardataire, le fraudeur parfois. Bref il se place dans une situation qui a tout à voir avec le burlesque, digne d’un Buster Keaton courant derrière le train.

Le train est avant tout un moyen de transport. La valise quant à elle, nous représente dans notre rôle de voyageur. Elle existe comme citation de nous-mêmes. Sébastien Décluy s’y introduit et devient une sorte de voyageur-objet. Il se plie dans la position du fœtus pour ne faire qu’un avec elle, vêtu de bleu comme la couleur de sa valise ajournée sur ses côtés. Dans cette posture pendant tout le voyage, il est là, fait présence mais nous finissons naturellement par l’ignorer. C’est sans doute à ce moment précis que sa proposition s’accomplit pleinement.

A l’heure où les TGV sillonnent les paysages d’ici et d’ailleurs, nous oublions qu’en 1909, Marinetti affirme, dans le manifeste fondateur du mouvement futuriste, que « la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse ». L’artiste italien se nourrit de la révolution industrielle, de la mise en mouvement qui modifie la perception de l’espace. En 1994, Sammy Engramer Malévitch en T.G.V peint , toile posée sur une chaise, composée de bandes horizontales et colorées. Les formes et les volumes fusionnent dans le dynamisme du mouvement. Seules restent des lignes colorées. Pour TPV, Sammy Engramer imagine un générique filmé : des cartons transparents collés sur la fenêtre sur lesquels sont inscrits les villes d’origine des protagonistes de l’aventure. En arrière-plan, le paysage se dissout.

Le temps de TPV n’est pas le même que nous côtoyons généralement dans le train. Ici c’est plusieurs temps réunis en un seul : celui du partage, de la rencontre, de la découverte. C’est un appel à l’imaginaire, une expérience unique. Du statut de voyageur nous tendons vers celui de spectateur. Nous devenons actifs pour sortir de notre passivité qui existe seulement dans ces moments de transition entre deux lieux géographiques, une provenance et une destination, entre les deux, une durée. Preuve en est faite avec de jeunes voyageurs présents pour l’occasion et qui se mettent spontanément à imiter tout d’abord puis à concevoir eux-mêmes des gestes, des situations. Même si l’imitation prédomine, ils amplifient et font écho à ce qu’ils voient. Le voyage se termine en beauté : l’accueil se fait en fanfare pour les arrivants, les revenants, les « nouveaux », amicalement. Racontez cette histoire à qui veux l’entendre, on ne vous croira pas !

 

TPV: EL TREN, LA PERFORMANCE Y EL TEJIDO SOCIAL.  Texto de Hilario Alvarez, artista de accion y coordinador de OFICINAS DE LAS IDEAS LIBRE.

Sin duda alguna, el tren sigue siendo el medio de transporte más romántico y por eso mismo el más artístico. Desde el legendario Orient Express, con su exótico final en Estambul, pasando por el Transiberiano, con las míticas ciudades de Irkust y Vladivostok y que tarda ocho días en recorrer sus 9.000 kilómetros, hasta el muy trabajoso encuentro de las líneas que unen la costa Este y la Costa Oeste de los Estados Unidos, el tren ha dado lugar, a lo largo de su historia, a obras artísticas de muy distinto signo. Desde la famosa novela de Agatha Cristie “Asesinato en el Orient Express”, al cine de “El puente sobre el Rio Kway”, llegando a los no menos famosos puentes de Eiffel. Hay un pequeño recorrido que va desde la costa francesa del Mediterráneo hasta las cumbres de los Pirineos Orientales que es un muestrario de arquitectura de puentes que  los arquitectos de todo el mundo conocen y estudian. Todo ello se lo debemos al tren, que en estos momentos es uno de los más ecológicos y sociales de los medios de transporte.                 

Lo anterior viene a cuento de una programación de performances realizada por a-r Association. Y es que también en el mundo del arte de acción hay precedentes muy ilustres del uso del tren. Baste recordar el famoso viaje en tren por el norte de Italia que realizaron, allá por los años sesenta del siglo pasado John Cage y Merce Cunningham en su primer estancia en Europa. También en España y también en los años sesenta, el grupo pionero del arte de acción ZAJ, realizó un famoso viaje en tren entre Madrid y un pequeño pueblo de los alrededores. Pero TPV, que es el nombre de este programa de acciones y que son las siglas de “Tres Pettit Vitesse”, vá más allá de lo que han ido los artistas que hemos mencionado. a–r  Association y su programa TPV han llevado el arte de acción, por medio de un uso diferente del tren, hasta engarzarlo en el tejido social de una zona de la Borgogna. Pero vayamos por orden y hagamos un relato sucinto de lo acontecido entre el jueves 28 y el sábado 30 de septiembre. En París, en el número 189 de la rue Ordener  -distrito XVIII- hay un conjunto de tres grandes edificios, ocupados la mayoría de ellos por estudios de artistas. Ahí se encuentra la sede de a-r Association. El conjunto de edificios tiene un magnífico hall de entrada de unos veinte metros de largo por diez de ancho, con cinco escalones en el lado opuesto a la puerta de entrada, que sirven perfectamente como gradas para el público. Este fue el lugar elegido para dar comienzo al programa de acciones TPV, el jueves, 28 de Septiembre, a las 21 horas. Y como cabecera de la programación y artista invitado desde Holanda, Rob List.

Para hablar del trabajo de Rob List el mejor referente que encuentro es Albert Einstein. Puede parecer un poco exagerado pero me explico: ambos trabajan sobre los mismos items. El tiempo/espacio (movimiento/velocidad), la energía y la masa/cuerpo. No soy partidario de describir las acciones. Creo que el Arte de Acción hay que vivirlo. Hay que estar presente y de nada sirven las fotos o los vídeos –excepto como documentos que dan fé de la realización de la acción- para participar de la vivencia intensificada que las performances ofrecen. Por eso mismo no voy a decir lo que hizo Rob List en el Hall del 189 de la rue Ordener. Baste con decir que su acción consiguió condensar la energía usando el tiempo y la intensificación/ralentización del movimiento. Una acción llena de significantes pero sin significado alguno. Una propuesta de arte de acción que puede remitirnos a la definición clásica del David de Miguel Angel como “la fuerza contenida” hasta las muy contemporáneas acciones de Seiji Shimoda, basadas en los conceptos del Zen. Una gran propuesta creada específicamente para dar comienzo al programa TPV.

El día siguiente, viernes 29 de septiembre, los participantes, acompañados y coordinados por Catie de Balmann Frederic Ollereau, miembros y motores de a-r Association, tomamos el tren en la estación de Lyon, con destino a Corbigny. Los billetes listos y los espacios reservados en el tren dan buena cuenta de la cuidada organización. En Auxerre hacemos transbordo a otro tren, se incorporan nuevos performers y un grupo de escolares al cargo de su profesor de arte. Ha comenzado una nueva etapa. La de un arte relacional que nos sumerge en el tejido social. Por eso, al llegar a Corbigny, una pequeña banda de música local nos recibe en el andén de la estación y nos ofrece, a todos los viajeros, cuatro piezas de su repertorio. Antes, durante el trayecto Auxerre-Corbigny, se han ido realizando las acciones en el tren: Un hombre viaja dentro de una maleta sin tapas ni fondo. Algunos estudiantes tratan de imitar al performer. Sólo una de entre todos ellos conseguirá resistir la incomoda posición hasta el final del trayecto. Otro performer intenta, en cada parada, validar su billete en el control de la estación y regresar al vagón antes de que el tren emprenda la marcha. A veces le da tiempo, a veces no. Es un trabajo de alta tensión por el riesgo de perder el tren y quedarse sólo en la noche que ya ha caído. Los estudiantes siguen sus movimientos y aplauden cada vez que consigue volver al tren a tiempo. Los respaldos de todos los asientos han sido cubiertos con telas en las que aparecen estampados símbolos e iconos de los cuentos infantiles, la televisión y los dibujos animados. El interior del tren se ha convertido así en un lugar diferente, colorista y abierto a nuevas lecturas. Una mujer recita/canta poemas con un tono de voz tan dulce como susurrante, lleno de magia y sensualidad. Un hombre, con batón de pintor, trata de vender los recuerdos de su vida con la actitud de los pedigüeños habituales en los vagones del metro. Rob List nos regala otra de sus impagables acciones. Los estudiantes no salen de su asombro. Al fondo del segundo y último vagón del tren aparece una extraña figura de hombre que cubre su cara y su cabeza con exóticas y larguísimas plumas de ave. Se desplaza con extraños movimientos que nos remiten a un punto indeterminado entre los grabados antropológicos descriptivos de las tribus descubiertas por los primeros naturalistas y el cabaret actual. El arte de acción ha abierto su abanico de propuestas.

El viaje en tren termina. Los jóvenes estudiantes y su profesor vuelven en un microbús a casa. Se les nota ilusionados por la experiencia que acaban de vivir. Tal vez algunos de ellos hayan descubierto que el arte en vivo de la performance merece la pena. El resto del grupo sigue su actividad relacional. Ahora se incorporan los miembros de una asociación local que nos llevan a la Abadía del S. XVIII, reconvertida en Centro Cultural. Allí los Talleres de Música y Danza, allí la instalación colorista ocupa una de las grandes salas de la Abadía, allí una instalación/laberinto de puertas, tabiques y escaleras nos sorprende comunicando la planta baja con la planta superior. Allí comienza la proyección del vídeo que un equipo ha realizado durante todo el trayecto. Después aparecen las viandas, los vinos y las tartas que los miembros de la asociación local han preparado para compartir. Luego, con el buen ambiente que se ha creado, surgen las conversaciones distendidas, los encuentros y los intercambios. La mujer que cantó en el tren nos pide que nos aproximemos y vuelve a cantar/recitar poemas con esa tonalidad de voz tan especial que nos hace percibir claramente las vibraciones del aire que el sonido emitido por su voz provoca. El día ha sido intenso. Se nos ha hecho tarde. Hay que ir a dormir y de nuevo el arte relacional que venimos practicando, convierte a los habitantes locales en amigos que nos ofrecen sus casas y sus lechos, sus coches para el traslado y su café y sus viandas para el desayuno. La performance ha salido del espacio especializado del arte para llegar a la vida.
 

TPV : Le train, la performance et le tissu social.
Hilario Alvarez, Artiste d’Action Coordinateur de la Association Culturelle OFICINA DE IDEAS LIBRES (Madrid). Transcription en français de Catie de Balmann pour l’association A-R.
 
Sans aucun doute, le train continue à être le moyen de transport le plus romantique, pour cela même, le plus artistique. Depuis le légendaire Orient Express avec son exotique destination Istambul, en passant par le transsibérien, avec ses villes mythiques de Irkoutsk et Vladivostok dessiné sur un parcours de 8 jours et 9000 kilomètres, le train trace et tisse nos réseaux. La rencontre de lignes la plus travaillée, que je connaisse, réunie la côte est et la côte ouest des Etats Unis. Le train donne lieu, tout au long de son histoire, à des œuvres de diverses origines. La nouvelle d’Agatha Christie « Assassinat dans l’orient express », au cinéma « Le pont sur la rivière Kway » qui nous chemine au ponts d’Eiffel qui ne sont pas les moins fameux. Il y a  aussi un trajet qui part de la côte Française méditerranéenne pour atteindre le sommet des Pyrénées Orientales qui offre un échantillonnage d’architectures de ponts, connus par tous les initiés du monde entier…Le train transporte une responsabilité, il nous a fait édifier toute sortes de ponts artistiques – sociologiques – géographiques - philosophiques…, en ce moment il est le moyen de transport le plus écologique et le plus social.
 
A cette antériorité vient s’ajouter une programmation de performances réalisées par L’Association A-R. Rappelons quelques précédents très connus du monde l’art de l’action. Dans les années soixante, John Cage et de Merce Cunningham font un voyage ferroviaire pour le nord de l’Italie lors de leur  premier séjour en Europe. A la même époque en Espagne un groupe pionnier de l’art de l’action ZAJ, réalise un autre célèbre voyage en train en partance de Madrid pour un petit village des environs de cette capitale. Mais TPV qui est l’appellation exacte du programme de performance soit, Très Petite Vitesse, va plus loin que les artistes précédemment cités. L’association A-R et son programme TPV emmènent l’art de l’action par le train. Le train prépare et lie la population voyageuse  pour l’arrimer au tissu social de la Bourgogne. Reprenons le programme pour faire une succincte description des contributions de l’événement du Jeudi 28 au samedi 30 septembre 2006.
 
A Paris, au numéro 189 de la rue Ordener dans le 18ème arrondissement, il y a  un ensemble de trois grands édifices, occupés, pour la plus part d’entre eux, par des ateliers d’artistes. Là se trouve le siège de l’Association A-R. Cet ensemble de bâtiments est accessible par un magnifique hall d’entrée de 20 mètres de long sur 10 mètre de large, avec 5 marches sur la partie opposée à la porte d’entrée, qui peuvent parfaitement servir de gradins pour le public. Ceci fût le lieu choisi pour commencer le programme d’action TPV, le jeudi 28 septembre, à 21 heures. En tête d’affiche, dans Accusé de Réception* (AR), en provenance d’Amsterdam, figure, seul, l’artiste Rob List.
 
« Rob List est performeur et chorégraphe installé en Europe depuis 1985. Au début des années 80, il participe au théâtre d’avant garde et à la production de films de Ping Chong et Meredith Monk, tout en continuant sa propre recherche autour de la performance et du théâtre visuel à La Mama et the Kitchen à New York.
 
Entre 85 et 91, il dirige l’Ecole Nationale de Théâtre des Pays-bas à Amsterdam. Il est co-fondateur et directeur, entre 87 et 91, de l’institut de la nouvelle dramaturgie qui présente sous forme d’ateliers des compositions interdisciplinaires entre artistes, architectes, danseurs et réalisateurs de films d’Europe (Est et Ouest). Depuis 90, Rob continue de développer une recherche autour de la performance solo en créant un langage unique avec des mouvements comme Figure Series (90-94), Double Series (95-99), Still Life Series (96-00), The Follies (00-03) et Oosterpark (01). En 2002, Rob commence une collaboration avec des jeunes danseurs, artistes et réalisateurs et crée la Compagnie OZU pour développer des recherches en rapport avec la pratique actuelle de la performance. Une première oeuvre, Feuillée, est présentée en 2003. Puis viendra en hiver 2005 et 2007, la présentation d’une nouvelle pièce, Nescio »
 
Pour parler du travail de Rob List, la meilleure référence – ressemblance que je peux faire est celle avec Albert Einstein. Cela peut paraître exagéré, aussi je m’explique : les deux travaux ont le même sujet : Le temps/espace (mouvement/vitesse) , l’énergie et la masse/le corps.
Je ne suis pas d’accord pour faire des descriptions des actions. Je crois que l’art de l’action doit se vivre. Il faut être présent pour participer et saisir l’intensité des performances. Les images quel qu’elles soient ne peuvent pas transcrire l’action. Elles servent uniquement comme document qui prouve que l’action a été réalisée. Pour cela, je ne vais pas raconter ce que Rob List a fait dans le hall du 189 rue Ordener. Je me contenterai de dire que son action consistait à condenser l’énergie, en usant le temps par le ralentit du mouvement. Une action pleine de signifiants sans aucune signification.
Une proposition d’art d’action qui peut nous renvoyer à la définition classique du David Miquel Ange comme « la force contenue » ou la plus contemporaine des actions de Seiji Shimoda qui se base sur les concepts zen.
En tout cas c’est une belle proposition créée spécialement pour commencer programme TPV.
 
Le jour suivant, vendredi 29 septembre 2006, les participants, accompagnés et coordonnés par Catie de Balmann et Frédéric Ollereau, membres et moteur de l’Association A-R , prennent le train à la station Paris gare de Lyon, à destination de Corbigny. Les billets prêts et les espaces réservés dans le train montrent le travail d’organisation. A Auxerre, s’incorpore d’autres performeurs et un groupe d’écoliers avec son professeur d’art. Nous commençons une nouvelle étape. Celle de l’art relationnel qui nous submerge dans le tissu social.
C’est ainsi qu’à l’arrivée de Corbigny, l’harmonie communale et ses habitants nous accueillent sur le quai et offre à tous les voyageurs 4 pièces musicales dont « quel temps fait –il à Paris ? ».
Avant et durant le trajet Auxerre-Corbigny, des actions aurons été réalisées : Sébastien Decluy voyage dans une valise sans couvercle et sans fond, quelques étudiants essaient de l’imiter, seulement une d’entre-elle  arrivera à résister à l’incommodité de la posture. Nicolas Simarik essaie à chaque arrêt  de valider son ticket à la machine « composteuse » du quai et remonte dans le train avant que celui-ci ne reparte. C’est un travail avec du suspens et risqué car il peut rater le train au redémarrage, un public à l’intérieur et l’extérieur du train se crée , les étudiants, bien présent, suivent ses allées et venues et applaudissent à chaque retour. Les appuis têtes de tous les sièges sont recouverts par les linographies sur tissu de Renaud Buénerd.  Elles arborent des icônes – symboles, des contes infantiles de la télévision et des dessins animés. L’intérieur du train s’est transformé ainsi en un lieu différent, coloré et ouvert à d’autres lectures. Marika Bürhmann récite –chante des poèmes - berceuses sur le temps qui passe… avec une tonalité de voix si douce, comme un murmure, plein de magie et de sensualité.
Hilario Alvarez, bâton de peintre en main, commerce les souvenirs de sa vie, en empruntant l’attitude et le temps d’apparition des solliciteurs habituels des rames de métro. Rob List nous offre à nouveau une nouvelle mise en situation et nous fait vivre les aléas d’un cœur qui bat.Les étudiants ne sortent pas de leurs étonnements. Au fond du dernier wagon apparaît une étrange silhouette d’homme, sa tête et son visage sont recouvert de très longues plumes de faisan chinois. C’est Skall, il se déplace avec des mouvements majestueux et contraint par une vision obstruée, causée par l’amalgame de plumes. Il tâte l’espace avec son corps avec une facture-calligraphie qui nous renvoie à un point indéterminé entre les gravures anthropologiques descriptives de la tribu découverte par les naturalistes et l’esthétique des cabarets actuels. L’art de l’action a déployé son éventail de propositions.
Le voyage en train se termine. Les jeunes étudiants et leur professeur (Atelier Luc Goudot) retournent chez eux dans un microbus. Ils apparaissent ravis et grandis de cette expérience vécue. Peut être que certains d’entre eux se sont rendus compte que vivre l’art de la performance mérite le détour. Le reste du groupe suit son activité relationnelle. Maintenant, il se mélange à la population locale qui nous amène à L’Abbaye de Corbigny, cet édifice est reconvertie en un Espace culturel. On y trouve des ateliers de musique et de danse, ce lieu reçoit un des plus grand festival de musique classique, il y a aussi des installations coloristes de Krijn de Koning, l’une d’entre-elle occupe une des grande salle de l’abbaye, l’autre labyrinthique construite de portes, de cloisons s’agence au escaliers existants créant une communication surprenante avec le premier étage et le second.
Là, aussi commence la projection des rushs vidéo de tous ce trajet en train qu’a réalisé en partie Sammy Engrammer. Apparaît les aliments, les vins… et les tartes de Sylvie Gresle, habitante des environs. Avec cette bonne ambiance qui s’est créée, les conversations détendus surgissent, la place est aux rencontres-échanges.
Marika Bürhmann qui chantait dans le train, nous demande de nous approcher, elle nous relie mélodieusement avec ses poèmes. Le ton de sa voix est si spécial que l’on perçoit clairement les vibrations qu’elle provoque. La journée a été intense, il se fait tard. Il faut aller dormir. Cet art relationnel que nous avons pratiqué, convertit les habitants en amis qui nous offrent leur maison et leur lit, leur voiture pour le transport, leur café et leur nourriture pour le petit déjeuner. La performance est passée de l’espace spécialisé de l’art à celui de la vie.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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